Porte-parole des Tremplins et toujours en première ligne pour mener à bien nos actions, Sylvie Matuidi s’est rendue dans la banlieue de Kinshasa du 7 au 17 mars dernier. Sa mission : constater les bienfaits de l’aide apportée aux orphelinats soutenus par l’association, d’abord, puis lancer officiellement la construction d’un nouvel établissement qui verra prochainement le jour. Un séjour intense qu’elle partage ici avec l’enthousiasme et la sincérité de ceux que se donnent sans compter. Interview.
Sylvie, à quand remontait ton dernier voyage au Congo-Kinshasa ?
C’était la deuxième fois que je m’y rendais en moins d’un an, tandis que mon père (Faria Matuidi, président de l’association) et d’autres membres des Tremplins y sont allés entre temps. En août 2018, nous avions organisé plusieurs journées de découverte pour sortir les enfants des deux orphelinats que nous suivons de près, La Grâce et Domus Angeli, installés dans la banlieue-est de Kinshasa. Des activités ludiques et touristiques qui leur avaient permis de s’aérer l’esprit en visitant pour la première fois les plus beaux monuments de leur pays, en partageant un pique-nique ou en explorant un magnifique parc zoologique. Même une simple sortie dans un fast-food les avait enchantés, c’est dire s’ils ont besoin que l’on s’occupe d’eux. Lorsqu’on partage son quotidien avec ces enfants, tous plus attachants les uns que les autres, on a le sentiment de mieux percevoir les choses par la suite. Tout devient plus clair, plus tranché. On sait exactement ce que l’on doit faire, et surtout pourquoi on doit le faire. Nous en avions également profité pour remettre aux orphelinats tout un stock de produits de première nécessité (denrées alimentaires, matériel scolaire, vêtements…). Une sacrée expérience, au final, que je souhaite à tous de vivre au moins une fois dans leur existence. Puis, en effet, j’y suis retournée entre le 7 et le 17 mars dernier, avec encore quelques belles décharges émotionnelles à la clé.
Cette fois, quels étaient les objectifs ?
Au nom de l’association, j’en avais plusieurs. Dans un premier temps, j’ai rencontré les responsables des orphelinats, Victorine Kimpiam et Nandy Angalikiana. J’ai pris le temps d’échanger avec elles, de visiter leurs installations, d’écouter leurs expériences… Ensemble, nous avons vérifié que les fonds apportés par l’opération « Je Parraine Un Enfant » étaient utilisés efficacement au bénéfice des enfants. Désormais, les deux structures reçoivent chaque mois une aide financière. C’est important de constater par nous-mêmes que celle-ci améliore peu à peu les conditions de vie des jeunes pensionnaires, que ce soit en termes d’alimentation, d’hygiène ou de scolarité. Afin d’assurer le meilleur suivi possible, j’étais accompagnée au quotidien par un médecin, Christian Kakula, qui travaille dans l’un des hôpitaux de Kinshasa tout en étant bénévole au sein du CERJS (Conseil pour l’Encadrement et la Réinsertion des Jeunes par le Sport), l’antenne locale des Tremplins Blaise Matuidi. Le reste de l’année, c’est le plus souvent une infirmière qui rend visite aux enfants environ une fois par semaine pour s’enquérir de l’état de santé de chacun.
Avec le docteur Christian Kakula, avez-vous eu le temps d’évoquer la problématique de la drépanocytose ?
Bien sûr, cela faisait aussi partie des objectifs fixés. Outre la lutte contre cette maladie génétique que nous menons en France, notamment aux côtés de l’hôpital Necker, nous souhaitons également participer au combat sur le continent africain. Ces dernières années, nous avons noué des relations fortes avec deux hôpitaux congolais qui ont décidé de s’engager pleinement afin de mieux prendre en charge les enfants drépanocytaires. Quand on se lance dans une telle bataille, on y va à fond. C’est notre côté « Charo Matuidi », pour rendre hommage à notre Blaisou national.
« J’AI EU L’IMPRESSION D’ÊTRE LA MÈRE NOËL ! »
Qu’as-tu pensé des travaux de réhabilitation effectués en octobre dernier au sein de l’orphelinat La Grâce et financés entièrement par Les Tremplins ?
Avec sœur Victorine (Kimpiam), la patronne des lieux, j’ai fait le tour complet des infrastructures, pièce par pièce. Et sincèrement, cela leur change la vie ! C’est génial de voir à quel point notre aide a servi directement à la soixantaine d’enfants pris en charge. La première fois que j’ai mis les pieds là-bas, la situation sanitaire était vraiment catastrophique. Les toitures en taule des dortoirs n’étaient pas étanches et l’humidité faisait pourrir les matelas. Tout était dans un état de délabrement avancé. Maintenant, ils vivent dans des conditions bien plus décentes, ce qui leur permet d’envisager l’avenir avec davantage d’optimisme. « Redonner le sourire aux enfants », ce n’est pas qu’un slogan. Ici, il prend tout son sens.
Comment as-tu été accueillie par les enfants de La Grâce ?
L’espace de quelques heures, j’ai eu l’impression d’être la Mère Noël ! (Rires) Alors qu’ils avaient réceptionné le container envoyé par bateau depuis fin janvier, ils ont préféré attendre ma présence pour ouvrir tous les cartons. À l’intérieur, les enfants y ont trouvé des jouets, des livres, des cahiers, des stylos, plein de vêtements… Bref, de quoi illuminer leurs visages, comme s’ils devenaient d’un coup de baguette magique les plus heureux du monde. C’était un moment extraordinaire dans tous les sens du terme. Et moi, je me suis surprise à être aussi excitée qu’eux au moment de tout déballer. De les voir si émerveillés et si joyeux, eux qui étaient encore privé de tout il n’y a pas si longtemps, c’était juste magnifique. Installée au milieu d’eux, à recevoir des tonnes de sourires, de remerciements, de câlins et de bisous, j’étais aux anges. J’ai même eu du mal à les quitter, tellement je me sentais aussi bien qu’en famille.
Dans pareil cas, comment fais-tu pour ne pas être submergée par l’émotion ?
En toute franchise, je l’ai été lors de ma toute première visite au Congo, fin 2016. À l’époque, au moment de constater de mes propres yeux la misère la plus absolue dans laquelle vivaient autant d’enfants, j’avais complètement craqué. Après seulement quelques minutes passées à leurs côtés, notamment dans un centre pour handicapés, je m’étais effondrée en larmes. Il m’avait fallu un peu de temps pour reprendre le dessus. Pourtant, mise en garde par plusieurs de mes proches, je m’étais préparé psychologiquement. Enfin, je le pensais. Mais une fois sur place, ma première réaction a été épidermique : non, ce n’est pas possible ! Comment des enfants aussi jeunes peuvent-ils évoluer dans des conditions pareilles ? Clairement, je n’oublierai jamais ce premier voyage en RDC. Il a été terriblement éprouvant, mais aussi fondateur dans ma volonté d’agir toujours plus concrètement sur place.
« LE CERJS NOUS PERMET DE GAGNER EN EFFICACITÉ »
Au niveau local, justement, sur qui Les Tremplins peuvent-ils s’appuyer ?
Comme nous ne pouvons pas non plus nous déplacer tous les mois pour suivre l’évolution de nos actions, nous avons pris soin de nous entourer de toute une équipe pour suivre les dossiers et assurer la continuité de notre travail. Ainsi, à travers le parfait relais que constitue le CERJS, nous avons des retours réguliers sur l’avancement des actions et les besoins prioritaires des orphelinats. Au passage, je tiens à remercier Jean de Dieu Mopembe, vice-président du CERJS et coordinateur de nos actions, Jean-René Nsakala Tukeba, son chargé d’exécution et contrôle, Christian Kakula et Tendresse Kazemoko, tous deux conseillers techniques et professionnels de santé. C’est une chance de les avoir à nos côtés. J’en profite également pour féliciter tous ceux qui œuvrent au quotidien dans les orphelinats. Grâce à leur dévouement total, à leur force de travail inouïe ainsi qu’à leur amour inconditionnel pour les enfants dont ils ont la charge, les actions que nous menons sont d’autant plus efficaces. Bravo à tous ces bénévoles, sans qui nos actions deviendraient beaucoup plus compliquées, voire carrément impossibles.
Qu’en est-il de votre engagement auprès de l’orphelinat Domus Angeli ?
Proche de la commune de Masina, à quelques kilomètres de La Grâce, il ne compte qu’une vingtaine d’enfants. Grâce à l’excellent boulot effectué par Nandy (Angalikia) et aux liens solides qu’elle entretient avec plusieurs partenaires, ses jeunes pensionnaires bénéficient d’infrastructures en bon état. Inauguré en 2017, l’établissement travaille avec un instituteur qui donne ses cours au sein même de l’orphelinat, tandis qu’une cuisinière s’occupe quotidiennement des repas. Pour autant, Domus Angeli a lui aussi besoin de notre soutien afin d’assurer la continuité de son travail de fond. C’est pourquoi nous avons décidé de parrainer leurs enfants depuis le début de l’année (#JeParraineUnEnfant). Pour ma première visite là-bas, les enfants et le personnel encadrant m’ont réservé un accueil fantastique. Ils étaient trop mignons. De vrais petits anges, à l’image du nom de leur « maison ». J’ai pu me rendre compte que notre nouvelle collaboration avait déjà apporté ses premiers fruits, notamment sur le plan éducatif et alimentaire. Forcément, ça donne envie d’aller encore plus loin. D’ailleurs, ce qui était un simple partenariat moral jusqu’à peu va prochainement se transformer en contrat écrit afin que notre soutien puisse s’inscrire dans la durée.
Lors de la deuxième partie de ton séjour, il paraît que tu as dû enfiler un bleu de travail…
(Rires) Non, juste un casque de chantier. Ceux qui nous suivent de près savent que les fonds que nous avions levés fin octobre à l’occasion de la deuxième édition des Tremplins Live allaient servir à financer une partie de la construction de notre nouvel orphelinat implanté sur la commune de Nsele (port de Kinkole), à environ 35 kms à l’est du centre-ville de Kinshasa. Eh bien, c’est parti ! Avant même mon déplacement, l’entreprise chargée des travaux (RMK Construct) avait déjà effectué le forage nécessaire pour l’accès à l’eau, coulé les fondations et commencé à assembler les murs extérieurs. Là encore, le fait d’avoir constamment des représentants sur place à travers le CERJS nous permet de gagner en efficacité pour ce genre d’opération. C’est vraiment top, car leurs conseils sont précieux. Grâce à eux, on sait comment fonctionner, qui solliciter ou qui éviter pour ne pas avoir de mauvaises surprises.
Et alors, tu n’en as eues aucune ?
Pas la moindre ! Au contraire, j’ai été ravie de voir que tout se passait comme prévu. Accueillie par le patron de la société de construction, Serge Makitu Kimbulukutu, je lui ai expliqué en détail notre projet, les valeurs que souhaite véhiculer Blaise à travers l’association et les raisons de notre engagement en faveur des enfants congolais. Très réceptif, il a tout de suite compris notre volonté de créer un espace parfaitement adapté aux besoins des orphelins. En même temps, je pense m’être montrée très persuasive, avec juste ce qu’il faut de pression positive… (Sourire) Plus sérieusement, j’ai senti que ça lui tenait aussi très à cœur, donc, tout a débuté de la meilleure des manières.
Pourquoi avoir choisi la zone du port de Kinkole pour bâtir cet orphelinat ?
Parce que l’opportunité s’est présentée et que l’endroit cumule plusieurs atouts. Déjà, c’est très calme, légèrement en retrait des zones urbaines sans en être trop éloigné non plus. Et ça, ce sera forcément un point positif pour le bien-être des enfants, qui vivront à l’écart du tumulte de la ville. L’autre gros avantage, c’est l’espace sur lequel nous pouvions nous étendre. La densité de population étant assez faible, les terrains constructibles y sont d’autant plus grands. Bref, le lieu nous est rapidement apparu comme idéal.
« ACCOMPLIR LE SOUHAIT DE TOUTE UNE FAMILLE »
Raconte-nous ta première visite du chantier…
Lorsque je suis arrivé, j’étais attendu par plus d’une vingtaine de personnes, dont la dizaine d’ouvriers chargée de mettre au monde notre « bébé ». Souriants, avenants et attentionnés, ils ont tous été adorables avec moi. Emmenés par Désiré, le conducteur de travaux et architecte du projet, Charnel, Gloria, Raby, Nickel, Héritier, Gislain, Louis ou encore Arnold m’ont donné l’image d’une équipe soudée, prête à donner le meilleur d’elle-même pour le bien des futurs jeunes pensionnaires des lieux. Plan en main, j’ai ensuite fait le tour des installations, ce qui m’a permis d’apprécier la qualité du travail déjà exécuté. J’ai pu visualiser l’espace dédié à la pratique du sport et aux jeux, la future salle de restauration, les chambres, les sanitaires, le parking… C’était super exaltant de voir notre orphelinat prendre forme.
Cela fait quoi de se voir confier le privilège de poser l’une des premières pierres ?
Un plaisir immense, même si la chaleur était accablante. J’avoue que lorsque le thermomètre affiche plus de 40°C à l’ombre (qu’il n’y a pas), j’ai tendance à sentir mon corps s’évaporer peu à peu. Pour autant, je ne m’en suis pas trop mal sortie. Appliquée, j’ai bien mélangé le ciment avant de l’étaler à la truelle et d’ajouter ma pierre à l’édifice. De là à dire qu’une vocation est née… Ce n’est pas gagné. Mais j’ai mis tout mon cœur pour que ce soit bien fait. Par mon enthousiasme, mon implication et mon discours, je me devais d’être la digne représentante des Tremplins Blaise Matuidi. Vu les réactions des personnes qui m’entouraient, je pense avoir rempli ma mission. Pour respecter les coutumes locales, j’ai pris soin de verser un peu d’alcool sur les pierres que je venais de sceller. Une façon d’honorer l’esprit de nos ancêtres et de solliciter leur protection.
La durée des travaux a-t-elle été fixée ?
On espère être au plus près du but d’ici la fin de l’été. Même si, comme chacun sait, il est toujours difficile de tout prévoir à l’avance. Outre l’efficacité des ouvriers sur place, la vitesse de progression du chantier dépendra aussi de notre capacité de financement.
Sachant que les dons récoltés ne peuvent suffire à financer l’ensemble du projet, comment allez-vous boucler le budget ?
Ça, c’est quelque chose dont Blaise ne parle que très rarement, car il est extrêmement pudique sur ce genre de sujet. Il faut bien comprendre que, sans son aide financière, un tel projet n’aurait jamais pu voir le jour. Parfois, j’entends certains s’étonner qu’un footballeur qui gagne aussi bien sa vie ait besoin de faire appel aux dons pour financer telle ou telle action. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que Blaise est un vrai mécène pour Les Tremplins. Certes, les dons que l’on reçoit sont précieux car ils nous permettent d’intensifier notre engagement et de toucher toujours plus d’enfants. Mais lorsqu’on sollicite le grand public, c’est aussi et surtout pour le sensibiliser et donner envie au plus grand nombre de s’engager eux aussi dans des actions caritatives. La générosité de Blaise, c’est le moteur n°1 de notre association ! Mon frère est trop modeste pour le dire. Pour ma part, je suis suffisamment fière de lui pour le partager ici sans rougir.
Et fière de toi, aussi ?
Fière du travail collectif accompli au sein de notre association, surtout. Si on m’avait dit il y a quelques années que j’allais un jour donner le coup d’envoi de la construction de notre propre orphelinat au Congo, je ne l’aurais pas cru. Parce que je n’y avais encore jamais pensé, tout simplement. Aujourd’hui, je participe activement à l’accomplissement du souhait de toute une famille. Très sincèrement, il me semble difficile d’imaginer une activité plus épanouissante que celle-ci. Jour après jour, elle participe à la belle histoire du clan Matuidi.